Si la Grèce sort de l’EURO

Un défaut de paiement sera inévitable, considèrent le FMI et les observateurs privés. Lesquels s’attendent à une chute d’activité encore plus brutale (de 35 % à 50 % selon les experts de la Société Générale).

Le choc sera triple. Privé du jour au lendemain de tout financement extérieur, l’État grec sera contraint d’aligner instantanément ses dépenses sur ses recettes. Fin juin 2012 le déficit (hors paiement des intérêts de la dette) devrait en effet atteindre 4,8 milliards d’euros, prévoit le FMI.

Deuxième blocage, le circuit bancaire. Les banques grecques ont déjà vu leurs dépôts se contracter de 30 % en deux ans. La course aux guichets s’amplifiera du jour au lendemain, obligeant Athènes à bloquer les comptes. En outre, les banques ne pourront plus bénéficier des avances de la BCE (près de 100 milliards d’euros aujourd’hui, le tiers de leurs ressources totales).

Troisième effet paralysant, l’assèchement automatique des approvisionnements extérieurs. Les importations (67 milliards d’euros en 2011) devront impérativement s’adapter au niveau des recettes à l’export, 52 milliards à peine, tourisme compris.

Les économistes le reconnaissent, c’est le grand saut dans l’inconnu. En pariant toutefois sur une contagion moins grave qu’un an auparavant «car l’essentiel de la dette grecque est aujourd’hui détenu par le secteur public (BCE) et le FESF (Fonds européen de stabilité financière)», explique Jean-François Robin, de Natixis.

Les dirigeants européens s’attacheront aussi à minimiser l’impact, mettant en avant les mécanismes de sauvegarde mis en place. Il n’empêche, un retour de la drachme à Athènes commencera par déclencher un vent de panique sur les marchés obligataires. Vent qui frappera les dettes des pays les plus fragilisés, en première ligne le Portugal, déjà sous financement du FMI et de l’Union européenne, et sur lequel plane la menace d’un deuxième plan de sauvetage. Confronté à un problème de compétitivité, le Portugal pourrait être tenté, à l’instar de la Grèce, de sortir de la zone euro pour dévaluer sa monnaie et doper ses exportations. Autre pays sur la sellette, l’Espagne risquerait face à une défiance accrue des investisseurs de devoir faire appel, plus vite que prévu, à une aide internationale. Globalement, tous les pays qui voient leur déficit extérieur se creuser sont exposés. Au-delà, on peut redouter un effet récessif plus marqué en zone euro. Pour contenir la contagion, l’action de la BCE sera décisive.

Les engagements pris en faveur de la Grèce depuis le printemps 2010 s’élèvent à 340 milliards d’euros. Soit une aide de 31 000 euros pour chacun des 11 millions de citoyens grecs.

Un premier paquet de 110 milliards a été décidé en mai 2010, associant les États de la zone euro, directement ou à travers les institutions européennes, et le FMI. Un deuxième programme a été déployé en mars 2012, à hauteur de 130 milliards d’euros, réunissant les mêmes bailleurs de fonds. À quoi s’est ajoutée la contribution des investisseurs privés, qui ont accepté un effacement partiel de leurs créances de 100 milliards d’euros, en valeur actualisée.

Par ailleurs, la Banque centrale européenne a contribué à aider les Grecs sous deux formes. D’une part par ses rachats de titres de l’État grec sur le marché, pour environ une cinquantaine de milliards d’euros, et de l’autre par des avances de liquidités aux banques grecques, qui s’élèvent aujourd’hui à près de 100 milliards d’euros. Les pertes potentielles de la BCE sont donc considérables et les Allemands y sont d’autant plus sensibles que c’est la Bundesbank qui en porte de loin la plus grande part.

En dernier ressort, c’est le contribuable européen qui devrait supporter l’ardoise, y compris pour l’argent de la BCE qu’il faudrait recapitaliser.

Il en va autrement pour le FMI, qui intervient au nom de la communauté internationale. À ce titre, le FMI est un créancier «privilégié», qui a toujours été remboursé, y compris lors de la faillite de l’Argentine. Les seules exceptions étant la Somalie, le Soudan et le Zimbabwe dont les arriérés de paiements à son égard restent modestes (2 milliards de dollars) comparés à l’enfer grec.

Il existe deux relais de contagion pour la France. D’abord budgétaire: l’État pourrait perdre jusqu’à 58,5 milliards d’euros. Cette somme correspond à l’addition des deux prêts accordés via le fonds de secours européen pour un montant total de 26,4 milliards à quoi il faut rajouter la part que la France devra verser pour combler les pertes essuyées par la BCE et le FMI si ces derniers ne sont pas remboursés par la Grèce (10,5 milliards au total). En outre, d’après Fitch, la France pourrait devoir refinancer jusqu’à 22,2 milliards le réseau des banques centrales de la zone euro. Le deuxième coût est d’ordre privé et concerne l’exposition des entreprises et des banques à la Grèce. Ces dernières ainsi que les assureurs ont circonscrit une grande partie de leurs risques lors de l’opération historique de restructuration achevée en mars dernier.

Cette opération massive a coûté au secteur bancaire français près de 7 milliards d’euros en 2011. En parallèle de ces provisions, les cinq grands groupes hexagonaux se sont massivement délestés de leurs créances. Ils ne sont plus aujourd’hui exposés au risque grec qu’à hauteur d’un peu plus de 2 milliards d’euros, selon la Banque des règlements internationaux. Les analystes évoquent une facture globale de 7 milliards.

NCG Daniel Jolliet Sarl
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