L’argent électronique doit aussi être créé par la BNS
L’initiative dite “Monnaie pleine” a été déposée mardi à la Chancellerie fédérale munie de 111’819 paraphes. Elle exige que la Banque nationale suisse soit à nouveau compétente pour produire l’ensemble de la masse monétaire, y compris l’argent électronique.
L’argent électronique qui se trouve sur les comptes bancaires en Suisse est créé aujourd’hui par les banques privées, constate MoMo, l’association indépendante à l’origine du texte. Cet argent n’est pas sûr et met en danger le système financier et par conséquent toute l’économie suisse, craint-elle. Il représente en effet 90% de la masse monétaire en circulation.
Entre 2003 et 2012, la masse monétaire a été en moyenne de 340 milliards de francs. La BNS a mis en circulation 40 milliards en pièces et billets, le reste étant de l’argent électronique.
Rien qu’une promesse
Cet argent virtuel, également appelé argent scriptural, ne vient pas de la BNS. Il est produit par les banques privées via des crédits qu’elles octroient, explique MoMo. Ce n’est donc pas un moyen de paiement légal, mais seulement une promesse de verser de l’argent liquide au titulaire de compte en cas de besoin, précise-t-elle.
Les initiants rappellent que jusqu’à la fin du XIXe siècle, les banques privées avaient le droit d’imprimer leurs propres billets. Ce qui a conduit à une surproduction et une instabilité monétaires. En 1891, le peuple suisse a décidé de confier à la seule banque nationale cette compétence.
Mais peu s’en souviennent. Pour preuve, cette enquête réalisée par une université de Southampton (GB) en 2012 selon laquelle 84% des 1000 personnes interrogées pensent que c‘est la banque centrale (Banque nationale) ou le gouvernement qui met l‘argent en circulation et décide qui le reçoit, indique MoMo.
5 à 10 milliards de francs
Mais avec l’arrivée des moyens de paiements électroniques, les banques privées ont à nouveau eu la possibilité de créer leur propre argent. L’association voit poindre dans la foulée des bulles financières et autres excès conduisant à un système bancaire instable.
La volonté des citoyens exprimée il y a plus d’un siècle doit à nouveau se manifester. C’est dans ce but que MoMo demande par son texte d’adapter la Constitution à la technologie d’aujourd’hui. Elle dispose pour ce faire d’un argument financier massue, promettant à la Confédération et aux cantons cinq à dix milliards de francs supplémentaires issus de la répartition du bénéfice de la BNS.
Selon MoMo, seul un cinquième de l’argent créé par les banques arrive dans l’économie réelle, celle qui crée des emplois, des biens et des services. Les quatre autres cinquièmes sont investis sur les marchés financiers. Avec l’initiative, la totalité de cet argent bénéficiera au contribuable, via les budgets publics.
Opposition des banquiers
MoMo est soutenu par une cinquantaine de scientifiques, des économistes du monde entier. Sans surprise en revanche, les banquiers s’y opposent avec force arguments. D’abord ils contestent l’augmentation des bénéfices promis à disposition de la BNS, donc des citoyens. “C’est un leurre”, affirme l’Association suisse des banquiers dans un communiqué.
Au contraire, selon elle l’acceptation de l’initiative engendrerait une contraction de l’économie avec comme conséquence des pertes fiscales qui devront être compensées par tous. Les hypothèques seraient renchéries et l’épargne moins bien rémunérée, fait valoir SwissBanking.
Selon elle, les craintes de MoMo ne sont pas fondées. La Suisse a l’un des régimes “too big to fail” les plus stricts au monde. Le système financier suisse n’a donc pas besoin de la monnaie pleine pour être sûr. En outre, les dépôts des épargnants sont protégés par des garanties bancaires, rassure SwissBanking.
Place financière
La faîtière des banquiers voit d’autres points faibles dans l’initiative. Elle bureaucratise et restreint l’approvisionnement de l’économie en monnaie. D’où un renchérissement des crédits pour les entreprises qui affecterait particulièrement les PME. Sans compter les menaces qu’elle ferait planer sur la place financière suisse.
Un argument que contestent les initiants. Postfinance, comme les compagnies d’assurances, a montré qu’on peut être performant et rentable sans avoir le droit de créer de la monnaie.
(ats / 01.12.2015 11h28)