Pouvoir des agences de notations

Pouvoir des agences de notations

À elles seules, les trois agences de notation que sont Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch font trembler les États. Qui les paient ? Comment décident-elles d’une note ? Explications en six points.

• A quoi servent-elles? Les agences de notation ont pour tâche, en théorie, d’évaluer en toute indépendance le risque de faillite ou de non remboursement d’un acteur économique émettant des titres de dette, comme des obligations. En clair, elles informent les investisseurs du risque qu’ils courent s’ils prêtent à telle société ou à tel Etat. Elles ont chacune une échelle de note, allant de AAA (triple A) à CCC.

La note est attribuée après un travail d’analyse des chiffres économiques et financiers, et résulte d’une décision collégiale des analystes de l’agence. Il s’agit d’une opinion, soulignent les agences, nullement d’une recommandation d’acheter ou de vendre un titre ou une action d’une entreprise.

• L’impact des notes. La note, reflet du risque de faillite d’une entreprise ou d’un État, a pris toutefois une très grande importance pour les entités notées et les investisseurs. Pour les Etats comme pour les entreprises, une note dégradée se traduit par une hausse des taux d’intérêt. Donc, quand ils veulent emprunter, cela coûte plus cher.

Les investisseurs doivent quant à eux parfois revendre certains titres de dette pour respecter des réglementations internes ou financières. Un gérant de portefeuille constitué d’obligations devra ainsi respecter un équilibre prédéfini entre des titres risqués et moins risqués. Si une partie de ses titres, comme des obligations grecques, par exemple, est dégradée, il devra s’en séparer pour ne pas que son portefeuille devienne trop risqué.

A qui appartiennent les agences? Moody’s est une société américaine cotée et indépendante, détenue à hauteur de 13% par le milliardaire Warren Buffett. Fitch appartient en majorité à la société financière française Fimalac, fondée par Marc Ladreit de Lacharrière et à hauteur de 20% au groupe Hearst. Standard & Poor’s est détenu par l’éditeur américain McGraw-Hill Companies.

Qui les paie? «Typiquement, une agence de notation se fait rémunérer par les entités qui veulent recevoir une note ou celles qui utilisent la note», sous forme d’abonnement, explique Standard & Poor’s. Selon le barème 2009 de cette dernière pour les Etats-Unis, une grande entreprise doit verser au minimum 70.000 dollars au début du processus de notation, puis un abonnement de «surveillance» s’élevant à environ la moitié de la somme initiale. A chaque fois qu’elle émettra de la dette sur les marchés, elle s’acquittera en plus d’une commission de 0,045% de la transaction. Les montants sont du même ordre en Europe.

Aujourd’hui, environ 90% du chiffre d’affaires des agences de notation provient des entités notées, relève Norbert Gaillard, dans son ouvrage «Les agences de notation» paru à La Découverte.

• Conflits d’intérêt. La crise des «subprimes», crédits immobiliers à risque, a mis en lumière les limites du système actuel des agences. Payées par les sociétés qui veulent être notées, les agences seraient parfois tentées d’attribuer une meilleure note que celle méritée réellement afin de remporter un contrat au détriment de ses deux autres concurrentes.

Un ancien analyste de l’agence Moody’s, Mark Froeba, a lancé de virulentes attaques contre son ancien employeur devant la Commission d’enquête sur la crise financière du Sénat américain. «Quand j’ai quitté Moody’s (en 2008, NDLR), la pire crainte d’un analyste était qu’il fasse quelque chose qui mettrait en danger la part de marché de Moody’s, de causer du tort à son chiffre d’affaires (…) et de perdre son travail en conséquence», a-t-il dénoncé. Or, un analyste devrait seulement craindre de «contribuer à l’attribution d’une note qui serait fausse».

Des agences très rentables. Avec la complexification des marchés financiers, les agences avancent qu’il devient de plus en plus coûteux d’analyser le risque de faillite des acteurs économiques. C’est pourquoi, dans les années 70, elles ont commencé à faire payer les entreprises qu’elles notaient.

Ce modèle économique assure une très haute rentabilité aux agences. Moody’s table sur une marge opérationnelle (résultat opérationnel rapporté au chiffre d’affaires) comprise entre 38% et 40% en 2011. Standard & Poor’s de 43% sur le seul premier trimestre 2011 et Fitch de 58% sur l’exercice décalé 2010/2011

NCG Daniel Jolliet Sarl
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